Naissance de Terres et Cultures Solidaires


Marthe


Amadou Hampâté Bâ dit : « un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ».

 

Marthe Selbe Faye nous a quittés à 56 ans donc bien jeune, mais l’image de cette bibliothèque restera bien réelle quant à l’héritage qu’elle nous laisse.

 

Marthe a rempli cette bibliothèque durant toute sa vie de nombreux livres dont les thèmes principaux restent l’accès à l’éducation pour tous, le développement durable au service de son village, l’humanisme.

 

Il est bien difficile de parler de Marthe en quelques mots car son engagement pour une éducation inclusive ouverte à tous était une dynamique de chaque instant.

 

Marthe a créé « l’école des parents » en 1994. A partir de ses 22 ans, elle a commencé à avoir des soucis de santé avec lesquels elle a dû vivre quotidiennement. Mais elle a continué son engagement qui lui a demandé un travail colossal. Mais sa foi en son objectif était si forte qu’elle a pu déplacer des montagnes et construire un vrai projet d’éducation.

 

Sa détermination en allant de famille en famille pour les convaincre sur la nécessité de scolariser toutes les filles et les enfants porteurs de handicap, a permis de fonder une école ouverte sur l’extérieur.

 

Elle a su créer autour de cette école un certain nombre de partenariats avec des associations et des ONG. De très nombreuses familles de Yayeme ont profité de cette dynamique et nombreux sont les enfants qui ont pu également, grâce aux parrainages, poursuivre leurs études au-delà de l’école des parents.

 

Marthe fut la première partenaire de Terres et Cultures Solidaires. C’est en octobre 2012 que nous avons longuement échangé avec l’équipe éducative de l’école des parents (tous bénévoles) sur leurs besoins.

 

Je me souviens d’une femme au caractère fort. Elle savait ce qu’elle voulait ou pas. Et en même temps il ressortait de Marthe une force tranquille. Elle disait avec beaucoup d’humour « quand j’ai besoin de la soupe je ne veux pas qu’on me serve de la viande ».

 

C’est donc dans cette école que nous avons travaillé nos premiers projets : construction d’une classe, achats de nattes pour le jardin d’enfants et le tout premier projet « un banc, un arbre » dans la cour de l’école. C’est aussi pour cela que Marthe revendiquait avec humour d’avoir les originaux alors que les autres écoles n’avaient que des copies.

 

Dans un deuxième temps, les parrainages sont nés. Durant les premières années seuls les enfants de cette école ont été concernés par cette action pour s’étendre maintenant aux écoles de Fimela.

 

Marthe avait l’habitude de dire que c’était depuis le parrainage qu’elle avait pu enfin avoir une indemnité de 30 000 CFA par mois soit 45€ (toute l’équipe éducative recevant la même somme) ! Elle le disait avec un grand sourire car pour elle tout était cadeau et rien n’était acquis.

 

Marthe a été notre première référente parrainage sur le secteur avant d’être rejointe par d’autres collègues.

 

Parfois il nous arrivait de ne pas être d’accord. Alors nous échangions et arrivions toujours à trouver la bonne réponse, celle qui permettrait aux familles de gagner en autonomie, de sortir de la précarité….

 

Marthe était une actrice locale engagée, déterminée et qui portait des valeurs humanistes très fortes. Son dévouement sans faille lui a permis ainsi de faire évoluer cette « école des parents ». Et n’oublions pas que cette démarche était une démarche altruiste car Marthe était bénévole durant toutes ces années.

 

Malgré les difficultés, les embûches, ses problèmes de santé de plus en plus importants ces derniers mois, Marthe n’a jamais renoncé.

 

Sa vie c’était les autres,

Sa vie c’était l’éducation pour tous,

Sa vie c’était la mise en place de projets pour le bien être de sa communauté.

 

Marthe, ta maison a été toujours ouverte à tous, tes mains ont toujours été tendues pour accueillir chacun(e) et lui apporter ton soutien, ton aide. Le « bol » du déjeuner était partagé avec générosité et spontanéité.

 

Marthe, ton cœur battait toujours pour aider les personnes en situation difficile.

 

Marthe, tu savais accueillir les uns et les autres de manière ouverte, sans jugement. Tu prenais le temps d’écouter et surtout ton sourire réchauffait chacun d’entre nous.

 

Marthe, tu resteras dans le cœur de tous ces enfants et de tous ceux qui sont passés dans l’école.

 

Marthe tu resteras dans le cœur de toute l’équipe éducative.

 

Marthe tu resteras dans le cœur de toutes les familles de Yayeme, des membres de TCS, les parrains et marraines qui t’ont connue.

 

« L'éducation pour tous » a été le phare de son quotidien. Marthe a également fait un travail important avec les femmes du village pour favoriser leur autonomie.

 

Cette citoyenne du monde, actrice locale a construit une vie tournée vers les autres.

 

Jamais nous ne pourrons assez te remercier pour tout ce que tu as fait, pour tout ce que tu nous as appris. Tu savais rassembler et aujourd’hui nous sommes tous là orphelins rassemblés pour t’accompagner dans ta dernière demeure.

 

Ensemble nous pouvons encore faire vivre cette richesse en termes de valeurs, d’engagements, de projets…

 

Ce soir je suis triste car je perds une sœur …. Mais au fond de moi je pense à toutes les graines que tu as semées durant toutes ces années et qui devraient favoriser un futur meilleur pour bon nombre de personnes.

 

 

 

Chantal Sarr Dumas

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