STEVE BIK est mort à 31 ans dans la prison centrale de Prétoria en Afrique du Sud. La photo de son cadavre couvert de plaies et d’ecchymoses fit le tour du monde.

 

Steve Bik était le leader charismatique du mouvement de la Conscience noire. Il devint le symbole de la résistance noire contre l’apartheid. Né en 1951, il est très tôt plongé dans une atmosphère de révolte après l’assassinat de son père par un policier blanc.

 

En 1969, il fonde l’Organisation des étudiants sud-africains qui préconise une émancipation des noirs par eux-mêmes car, dit-il, « même si les blancs sont de bonne volonté, ils ne comprennent pas entièrement le point de vue des Noirs sur la lutte à mener ». Il se prononce contre l'intégration entre Noirs et Blancs, se déclarant contre « le fait qu'une minorité de colons impose un système entier de valeurs aux peuples indigènes ». Il déclare encore la « libération psychologique doit précéder la libération physique : les Noirs ne peuvent se libérer politiquement de l’apartheid que s’ils cessent de se sentir inférieurs aux blancs. C'est pourquoi, ils ne doivent ni ne peuvent compter sur l’aide ou l’assistance de Blancs et doivent cesser de participer à tout mouvement incluant des Blancs ».

 

Avec son mouvement il agit sur le terrain au travers de projets éducatifs, culturels et sociaux tout en menant une campagne de politisation en affirmant en 1976  « Le principe de base de la Conscience noire est le rejet par l’homme noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu’à sa dignité humaine. L’arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés ! ». Pour commencer, explique-t-il, « il faut que les Blancs réalisent qu’ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu’ils sont aussi humains, pas inférieurs... ».

 

Biko rêve d’un Etat où la majorité noire aura certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l’histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non racial.

 

Malgré ces objectifs non violents, le gouvernement assimile son groupe au Black power américain. En 1973 il est arrêté sous l’accusation de terrorisme, est ensuite banni et assigné à résidence.

 

En juin 1976, suite aux soulèvements populaires dans les townships du pays, Bik est mis au secret mais il brave les interdictions. Il est arrêté le 18 août 1977 et il mourra le 11 septembre de la même année.

 

Lucide, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t’en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n’arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l’apartheid, l’horreur de la mort y parviendra sûrement. »

 

Comme le dira Mandela lors de son élection en 1994 : « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid ».


ANGELA YVONNE DAVIS, militante des droits de l’homme et professeur de philosophie, est née le 26 janvier 1944 en Alabama dans une famille afro-américaine durant la ségrégation raciale qui régnait encore dans le sud des Etats Unis.

 

Dès 1948 des tensions raciales apparaissent dans le quartier de Birmingham où la famille Davis s’est installée. En 1949 des attentats visant ce quartier surnommé « Dynamite Hill » ont lieux, situation qui marque profondément Angela. Ces deux parents seront membres de la National Association for the advancement of Colored People (NAACP). Sa grand-mère maternelle (née après la proclamation d’émancipation) lui parle de l’esclavage qu’avaient connu ses propres parents. Angela découvre très jeune à New York la joie d’une vie non ségréguée dans la famille de Margaret Burnham (qui deviendra son avocate) et prend conscience des humiliations qu’impose la ségrégation.  

 

A 14 ans, elle choisit pour ses études secondaires de rejoindre l'école secondaire Elisabeth-Irwin, une école privée de Greenwich Village à New York. Elle habite chez le révérend Melish, pasteur de la plus grande église épiscopale de Brooklyn. C’est dans cet environnement qu’elle entend parler du socialisme. Elle lit le « Manifeste communiste » qui la conduit à « replacer les problèmes du peuple noir dans le contexte plus large d’un mouvement de classe ouvrière ». Sa première expérience de militante se passe chez Advance, organisation marxiste-léniniste. Elle participe à des manifestations de soutien au mouvement des droits civiques. Toutefois elle se sent frustrée d’avoir quitté le Sud au moment où le mouvement prend de l’ampleur, mais décide tout de même de terminer son cycle scolaire à New York.

En 1962, elle est l’une des trois étudiantes noires à intégrer l’université de Brandeis dans le Massachusetts. Mais elle se sent isolée et se plonge dans la lecture des œuvres de Sartre et Camus. Au cours d’une conférence sur la crise des missiles de Cuba dirigée par l’écrivain James Baldwin, elle découvre le philosophe Herbert Marcuse. Lors de sa deuxième année à Brandeis, elle étudie la littérature et la philosophie française contemporaine. Elle voit Malcolm X haranguer un amphithéâtre composé quasi exclusivement d’étudiants blancs, en leur annonçant la prochaine punition divine de leurs pêchés envers les Noirs.

En septembre 1963, elle passe un mois à Biarritz dans le cadre de la prolongation de sa bourse d’étude du Hamilton College. C’est là qu’elle apprend l’attentat qui a frappé l’église baptiste de sa ville natale de Birmingham où quatre jeunes filles sont tuées dont trois de ses connaisances. Elle analyse cet événement comme « l’expression paroxystique de la routine quotidienne, souvent monotone, de l’oppression raciste ». Elle se rapproche du philosophe Marcuse en assistant à de nombreuses conférences sur la pensée politique européenne depuis la Révolution française. Sur ses conseils, elle décide de partir étudier la philosophie à Francfort. Elle quitte les États-Unis en 1965, au milieu des émeutes de Watts.

En Allemagne, elle côtoie des étudiants allemands membres de l’Union socialiste allemande des étudiants et participe à des manifestations contre l’intervention militaire américaine au Vietnam et contre la projection du film italien pro-colonial Africa Adio. Elle se rend régulièrement à Berlin est. Pendant son absence des Etats Unis, le mouvement de libération des noirs prend de l’ampleur et se radicalise dans la ligne du slogan Black Power. Elle rentre donc aux USA.

 

Angela Davis milite en faveur des droits des Noirs et découvre rapidement les fortes rivalités qui traversent le Mouvement de libération des Noirs. Elle considère que cette lutte de libération doit s'inscrire dans le cadre du mouvement révolutionnaire socialiste. Or le marxisme est rejeté par la plupart des organisations nationalistes qui pensent que les Noirs ne doivent compter que sur eux-mêmes. En 1968, elle adhère au Che-Lumumba Club, une section réservée aux Noirs du Parti communiste des Etats-Unis, ainsi qu’au Black Panther Party (mouvement révolutionnaire afro-américain). Elle est surveillée par le FBI et renvoyée de l'université de Californie à Los Angeles.

En 1970, Angela Davis est accusée d'avoir organisé une prise d'otage qui a fait quatre morts dans un tribunal. Arrêtée et emprisonnée, elle est détenue pendant seize mois avant d'être jugée. Elle clame son innocence et déclenche un vaste mouvement de soutien aux Etats-Unis et dans le monde. Déclarée non coupable par le jury du tribunal, elle est libérée, échappant ainsi à la peine de mort.

Après sa libération, Angela Davis publie des essais ou prononce des discours radicaux pour la paix au Vietnam, contre le racisme, contre l'industrie carcérale et contre la peine de mort aux Etats Unis. Elle mène aussi un combat féministe, contre le sexisme, y compris dans le Mouvement de libération des Noirs, car elle pense qu'il faut lutter contre toutes les formes de domination, l'homme noir ne pouvant se libérer s'il continue d'asservir les femmes.

En 1980 et en 1984, elle se présente aux élections présidentielles américaines comme candidate à la vice-présidence aux côtés de Gus Hall (1910-2000), leader du parti communiste des États-Unis d'Amérique. Elle était jusqu’à tout récemment professeure d'"Histoire de la prise de conscience" à l'université de Californie, Santa Cruz. Elle a reçu le prix Thomas Merton en 2006. Elle a rejoint le « Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l'agent orange et au procès de New York ». 


ROSA LOUISE McCAULEY PARKS, est née le 4 février 1913 en Alabama et est décédée le 24 octobre 2005 à Détroit dans le Michigan. Elle est afro-américaine.

 

Surnommée « mère du mouvement des droits civiques » par le Congrès américain, elle devient la figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats Unis.

 

Fille aînée d’une famille de deux enfants, elle passe son enfance avec son frère et ses parents, charpentier et institutrice jusqu’à leur divorce. Elle grandit ensuite dans la ferme de ses grands-parents maternels méthodistes. Très attachée à ce que sa fille reçoive une bonne éducation au vu des entraves à la scolarité des noirs, sa mère l’éduque à la maison jusqu’à 11 ans. Puis elle fréquente l’Industrial School for Girls à Montgomery (où habite sa tante), institution fondée par des familles blanches du Nord pour les enfants noirs. Ses études secondaires se feront à l’Alabama State Teachers College for Negroes. Mais elle ne pourra les mener à son terme car elle devra s’occuper de sa grand-mère puis de sa mère tombées malades.

 

Durant sa jeunesse elle subit les affronts du racisme. Le Ku Klux Klan est très actif : Il a d’ailleurs brûlé à deux reprises l’école qu’elle fréquente, son grand-père et d’autres sont contraints de monter des gardes nuit pour protéger leur ferme, etc.

 

Elle commence à militer dans les années 1930 en assistant notamment à des réunions du parti communiste USA, seul parti à l’époque qui s’oppose ouvertement à la ségrégation, tout en exerçant le métier de couturière puis d’aide-soignante jusqu’en 1955.

 

En 1932, elle épouse Raymond Parks, un barbier militant pour la cause des droits civiques qui est aussi membre de l’Association de l’Alabama pour la promotion des gens de couleur.

 

En 1934, sur encouragement de son mari et malgré ses charges familiales, elle achève ses études secondaires à une époque où seuls 7 % des noirs obtiennent ce niveau d’étude. Alors qu’en 1940, le couple adhère à la ligue des électeurs (Voters’League), Rosa s’inscrit en tant que membre du mouvement pour les droits civiques et travaille comme secrétaire jusqu’en 1957 à Montgomery pour la section du National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). Elle déclarera plus tard : « J’étais la seule femme là-bas, ils avaient besoin d’une secrétaire et j’étais trop timide pour dire non ».

 

En septembre 1944, le NAACP l’envoie en Alabama pour enquêter sur le viol de Recy Taylor, une jeune afro-américaine, viol perpétré par sept hommes blancs. L’affaire fait grand bruit, les coupables sont identifiés mais aucun n’est arrêté. Par deux fois le Grand Jury se prononce sur l’inculpation des suspects mais à chaque fois celle-ci est rejetée. Aucune poursuite n’est engagée. Ce n’est qu’en 2011 que le parlement d’Alabama présentera ses excuses à Recy Taylor.

 

Début 1945, elle occupe un emploi à la base aérienne de Maxwell où la ségrégation n’est pas en vigueur ce qui lui ouvrira les yeux sur la situation en Alabama notamment. Elle devient femme de ménage pour un couple libéral, Clifford (avocat qui jouera un rôle important dans la défense des militants et des personnes accusées de trahison à l’époque du maccarthysme) et Virginia Durr. Ils l’encouragent à suivre une formation sur les droits des travailleurs et l’égalité raciale à la Highlander Folk School à Monteagle dans le Tennessee.

 

C’est le 1er décembre 1955 que Rosa Parks entre dans l’Histoire. Alors que les autobus sont un bon exemple de ségrégation au quotidien, puisque les transports scolaires sont interdits aux enfants noirs et que les bus ont des sections réservées aux blancs et d’autres aux noirs, elle refuse de céder sa place à un passager blanc. Elle est arrêtée et condamnée à une amende de 15 dollars pour désordre public et violation des lois locales. Elle fait appel. Elle dira plus tard : « Les gens racontent que j’ai refusé de céder mon siège parce que j’étais fatiguée physiquement (…). C’est faux, la seule fatigue que j’avais était celle de devoir céder ».

 

L’avocat du NAACP, voyant l’intérêt symbolique du combat à mener demande à l’avocat blanc Clifford Durr de contester la constitutionnalité de la loi ségrégationniste. De son côté, le jeune pasteur Martin Luther King (26 ans) lance, avec l’aide de la communauté afro-américaine, une campagne de protestation non violente et de boycott de la compagnie de bus, boycott qui durera 381 jours pour finalement aboutir, le 13 novembre 1956, à ce que la Cour suprême casse les lois ségrégationnistes dans les bus les déclarant anticonstitutionnelles.

 

Rosa Parks a contribué à la prise de consciences des Américains. Mais elle ne trouve plus de travail à Montgomery et craignant pour sa sécurité, elle part à Détroit où elle reprendra son métier de couturière. Elle connaîtra des difficultés financières à la fin de sa vie et mourra le 24 octobre 2005 des suites de démence dégénérative. Le président Georges W Busch et l’ensemble de la classe politique lui rendront hommage. Le drapeau américain sera mis en berne et son corps sera exposé au Capitole durant deux jours, honneur réservé jusque-là aux grands hommes.


AOUA KEITA est née en 1912 à Bamako. Son père, Karamoko Keïta, originaire de Guinée, est un ancien combattant de l’armée française qui fut ensuite employé dans l’administration coloniale.

 

En 1923, il inscrit sa fille à l’école de Bamako sous la pression de l’administration qui a du mal à recruter des élèves pour l’école locale des filles, dépassant par la-même la distribution traditionnelle des rôles entre les femmes et les hommes, ce qui lui attira quelques désapprobations.

 

Après ses études primaires, elle rentre au Foyer des métisses de Bamako. Dès 1928, elle suit des études à l’Ecole africaine de médecine et de pharmacie à Dakar et en 1931, elle obtient un diplôme de sage-femme devenant l’une des premières femmes d’Afrique noire à avoir cette distinction. Dès lors, elle s’efforce d’intervenir auprès des autorités coloniales pour la création de maternités.

 

Elle épouse, en 1935, un médecin auxiliaire, Daouda Diawara dont elle divorcera après 14 ans de vie commune, notamment sous la pression familiale car le couple n’est pas parvenu à avoir un enfant. Fortement affectée, elle s’engage pour l’indépendance. En 1951, elle renonce à la nationalité française et représente l’US-RDA lors des élections législatives, afin de veiller à la régularité et à la transparence du vote et lutter contre les pressions de l’administration française. Elle tient tête aux officiers français qui cherche à influencer les résultats.

 

Après un séjour au Sénégal pour « raisons disciplinaires », elle revient à Bamako où elle fonde le Mouvement intersyndical féminin, visant au développement de la solidarité féminine et à rassembler des femmes travaillant dans différents secteurs pour améliorer leur condition de vie. En 1957, elle représente ce mouvement au Congrès constitutif de l’Union générale des travailleurs de l’Afrique Noire.

 

En 1958, elle est la seule femme élue au bureau politique de l’US-RDA. En 1959, elle devient la première femme malienne à être élue députée de la Fédération du Mali à Sikasso où elle joue un rôle politique de premier plan après l’accession du Mali à l’indépendance en 1960 et jusqu’au coup d’état en 1968.

 

Elle s’attachera à faire progresser les droits des femmes en participant à l’élaboration du Code malien du mariage et de la tutelle. Elle instaurera la Journée internationale de la femme africaine (JIFA), reconnue le 31 juillet 1962 par l’ONU. Mais en 1968, elle perd son statut politique lors du coup d’état de Moussa Traoré et quitte le Mali.

 

Elle se consacrera alors à l’écriture et publiera en 1975, son autobiographie intitulée « Femme d’Afrique. La vie d’Aoua Keïta ». En 1976, le prix littéraire de l’Afrique noire couronne son œuvre qui relate sa vie, sa carrière de sage-femme et ses engagements politiques.

 

Elle rentrera au Mali en 1979 où elle mourra en 1989 à l’âge de 67 ans.

 

Les personnes qui l’ont rencontré diront d’elle : « Sa forte personnalité, sa vivacité, son charme ne laissaient personne indifférent. On ne pouvait pas l’approcher sans être aussitôt séduit ».

 

Pour ne pas l’oublier, l’Association pour le progrès et la défense des droits des femmes (association féministe malienne), créera le 6 avril 1991 le prix Aoua Keïta, remis chaque année lors de la Journée panafricaine de la femme, pour récompenser « l’effort, le dévouement et le courage des femmes et les hommes pour la promotion et la défense des droits de la femme ».

 

Aoua Keïta est l’une des plus grandes militantes de l’indépendance africaine.


ALINE SITOE DIATTA est née en 1920 à Kabrousse dans le sud du Sénégal et est morte en 1944 à Tombouctou au Mali. Parfois surnommée la « Jeanne d’Arc de l’Afrique », elle est une héroïne de la résistance à toute forme de domination.

 Un mystère règne autour de sa jeunesse. Après la mort de son père, elle est élevée par Elaballin Diatta, son oncle paternel. Très jeune, elle quitte son village pour être embaucher à Ziguinchor comme docker. Puis vers 18-19 ans, elle se rend à Dakar où elle travaille comme bonne chez un colon nommé Martinet, régisseur des produits de base dans l’ouest africain.

 

Pour certain, c’est dans cette ville qu’en 1941 elle a une révélation lui demandant de rentrer en Casamance pour mener une lutte visant à sauver le Sénégal du colon. Pour d’autres, c’est le 8 mars 1940 qu’elle entend une voix lui dire « Rentre chez toi ou il t’arrivera malheur ». L’histoire raconte que n’ayant pas obéi, le quatrième jour, elle se réveille paralysée.  Elle est donc ramenée chez elle et aussitôt la paralysie cesse mais elle en gardera une claudication.

 

Elle est alors adulée. Elle entraîne son peuple dans un mouvement de désobéissance civile. Elle lui demande de refuser toutes les activités imposées par les colons comme de payer l’impôt en espèces ou en nature, de cultiver l’arachide au détriment du riz, d’être enrôler ou recruter pour la guerre. La Casamance est engagée avec elle sur le chemin de la résistance. Elle se dit aussi porteuse d’un message divin prônant le retour aux sources en réhabilitant la semaine diola des 6 jours (semaine de 5 jours travaillés pour un jour de congé), ordonne des sacrifices, de nouvelles formes de prières, réhabilite d’anciennes coutumes et en instaure de nouvelles.

 

On l’a dit capable de miracle. Alors qu’une sécheresse s’abat sur son village, la population lui demande d’agir. Aussi lorsque la pluie tombe à nouveau, certains disent que c’est grâce à sa concentration suivie de ses incantations que cela arrive. Pour d’autres, c’est le sacrifice de bœufs noirs qui a ramené ces pluies bienfaisantes. Elle gagne une réputation de prêtresse et de prophétesse.

 

Elle guérit des malades par l’imposition de ses mains. Son nom se répand dans toute la région et son village devient un lieu de pèlerinage.  Son audience de prophétesse ne cesse de croître car son message de respect pour les traditions touche tous les groupes ethniques, quelle que soit leur obédience religieuse.

 

Elle devient même reine de Casamance à la mort de l’ancien roi car seule une personne douée de pouvoirs surnaturels peut le remplacer.

 

Devant son influence grandissante et le mouvement de désobéissance aux toubabs qu’elle génère, l’administration coloniale (affaiblie par la défaite de la Seconde guerre mondiale) s’inquiète. Les colons sur place se lancent à sa recherche en décrétant qu’elle est rebelle et insoumise puisqu’elle prône une insurrection rampante et s’oppose à la France. Elle doit donc être exécutée.

 

Les soldats français viennent l’arrêter ; ils ouvrent le feu et tuent une femme qu’ils prennent pour Aline. Mais celle-ci, - en période de menstruation et comme le veut la règle diola -, a quitté son domicile pour aller dormir dans un lieu réservé. Le lendemain, afin d’éviter de nouvelles morts innocentes, elle se rend aux colons. Elle est arrêtée avec son mari (qui sera libéré quelques années plus tard) le 8 mai 1943 et est condamnée à la déportation. Elle est emprisonnée au Sénégal, en Gambie puis au Mali. En 1944, à 24 ans, elle est déclarée morte dans la prison de Tombouctou où elle a vraisemblablement succombé aux brimades, aux tortures, à la privation de nourriture, aux manques de soins.

 

Elle devient la figure emblématique de la résistance de Casamance à l’autorité coloniale.